Je voudrais apporter un éclairage sur un phénomène particulièrement marquant le long des routes, lorsque des étapes de transition entre les massifs m’oblige à les emprunter. Partout des travaux de terrassement. La voirie est en piteux état, on passe d’un virage à l’autre du bitume à une piste caillouteuse. Un éboulement rétrécit soudaint la chaussée quand ce n’est pas un pont qui a été emporté. C’est probablement cet « exotisme » mélé à l’adrénaline de l’inattendu que vont chercher les nombreux groupes de motards étrangers, chevauchant leur Royal Enfield du Kinnaur au Spiti, du Garwhal au Ladakh.

Mais le long des routes, d’autres hommes ont élu domicile. Parfois toute une famille est réunie, les bambins assis sur un tas de caillou en guise de tapis de jeu. Ce sont les ouvriers qui travaillent à l’entretien des routes. Ils viennent le plus souvent du Népal et parfois de l’état du Bihar en Inde. 

–sur la route du Shingo La, menant au Zanskar–

Ils se regroupent dans des campements de fortune au bord de la route. 


Ils dorment sous des bâches pendant les 5 mois favorables aux travaux avant de repartir chez eux les poches un peu plus lourdes. Au cours de la journée, on les trouve parfois assez loin de leur campement, au détour d’un virage, comme perdu dans la montagne, occupés à casser à coup de masse des gros cailloux ou à déverser du béton dans un contrefort.
Ce sont des forçats de la route, exécutant parfois leur besogne au delà de 4500 mètres, comme sur la route du Shingo La. J’imagine qu’ils ne se plaignent pas beaucoup et que pour cette raison, on les emploie. Il y a souvent, semble-t-il, un chef indien, que l’on distingue car c’est celui qui travaille le moins, s’occupant principalement à donner quelques consignes ici ou là, le téléphone portable à la main lorsqu’il y a du réseau.


Tout cela me donne le sentiment d’un rapiéçage qui explique l’état pitoyable des chaussées, même lorsqu’il s’agit de « National Highway ». Qui est comptable de l’entretien des routes? Le gouvernement? L’état de l’Himashal Pradesh ou de l’Uttarakand? De nombreuses questions demeurent, mais il est une certitude: pour tous ces travailleurs, la « retraite » sera de courte durée.

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