Guizhou, West Side Story

En progressant vers l’ouest du Guizhou et en prenant de l’altitude la pauvrete se signale par petites touches: des maisons de terre d’abord dont les toits antediluviens sont fait de paille de riz et recouverts de mousses. Les porteurs d’eau ensuite, des seaux remplis bien equilibres sur la palanche; les habits et les dents un peu plus sales qu’ailleurs. Puis les innombrables pietons qui envahissent la chaussee pour se rendre au marche un gros panier d’osier debordant de legumes sur le dos. Un peu plus loin ce sont des enfants pas plus grands que Lou qui portent le bois jusqu’a la maison. Dans le luguan ou je passe la nuit du 3 fevrier, on defeque avec les cochons. Ceci procure une sensation troublante: dois-je me sentir retabli dans mon humble condition animale ou bien ce sont les porcs gratifies ici d’une respectabilite quasi humaine? La montagne saigne de toute part. De la mini entreprise familiale a la compagnie gouvernementale, on lui fait cracher ses cailloux a chaque virage. Les chinois sont ecolos a leur maniere, ils pratiquent des circuits courts: de la cimenterie a la fabrique de moellons, quelques virages suffisent. Besoin de graviers? Allez encore 2km. Quant au sable, il n’y a qu’a se baisser. La Chine n’est pas en chantier, la Chine est un chantier! Et lorsqu’une belle langue de bitume se dessine, on voit des cantonnieres balayer l’asphalte encore chaud avec plus de soin que s’il s’agissait du parquet de leur maison. On peut malheureusement craindre que dans quelques mois le beau tapis fossile sera ruine par le passage incessant de camions surcharges. Ainsi en va-t-il donc des travaux publics comme de la vie sociale: preparer l’avenir tout en reconstruisant le passe.