Récit de mes premiers jours en Inde du nord, par MARIANNE

Cela a été pour moi une avalanche d’émotions physiques et psychologiques. Après presque deux jours de voyage, je retrouve enfin françois à Malla en pleine forme, prêt à dévorer un sanglier tout entier comme un vrai Villazois TDPiste -les Traileurs Du Parmelan, notre groupe de trail. Mille fois j’ai cru ne jamais arriver entière jusqu’à lui. Depuis Derha Dun, mon taxi roule 8 heures non stop sur 230 km de route chaotique, sinueuse et étroite. Il renverse un vélo sans prendre la peine de s’attarder pour constater le mal occasionné. Quatre coups de Klaxon toutes les trente secondes. J’ai la nausée mais je tiens bon. Arrivée en fanfare à Malla, je suis vivante, étape 1 réussie: Namaste India! Une première journée à Gangotri me rassure sur la bienveillance des gens. Nous nous baignons dans les sources d’eau chaude de Gangani. Deux Indiennes me prennent les mains, me guident vers le bassin, me mouillent les cheveux. Je me laisse faire. Les sourires échangés, la curiosité partagée me font rentrer dans le voyage sans appréhension. Je suis heureuse de retrouver François, j’ai envie d’en découdre avec la montagne, mes jambes me titillent. Pour aller aux sources du Gange -Gaumukh, 4000 mètres, 37 km A/R- tout se passe bien pour moi. Les paysages sont fantastiques. Lundi 9 octobre, nous démarrons joyeusement notre première étape en autonomie complete pour 3 ou 4 jours. Matinée difficile mentalement. Je ne trouve pas mon rythme. Sentiment de ne pas aller assez vite. Sans cesse, je regarde ma montre. Oui, je suis une tortue! François me rassure puis me donne les objectifs de la journée. Au départ de Malla (1500 m), nous devrons franchir successivement deux cols à 3500 m puis 4000 m avant de bivouaquer derrière ce dernier, 300 mètres plus bas. Finalement, nous n’atteindrons pas ce jour là les 34 km prévus. Nous dormons avant le deuxième col. Je me trouve laborieuse. Il va me falloir trouver de nouvelles références (avec un sac de 9 kg, en altitude, sur des sentiers parfois difficiles). S’acclimater demande quelques jours, le J+2 a été plutôt réussi. 3 cols au-delà de 4000 m dont le plus haut situé à 4765 m sans trop en baver. 


–vue du col à 4765m–

Mais on se perd en fin de journée. Trois heures durant, nous cherchons notre chemin. On bivouaque comme on peut. Lorsque le froid s’installe, je pleure comme une enfant pour relâcher la pression. Nous sommes à 4000 mètres. À nouveau des larmes le lendemain quand je peine à descendre d’énormes rochers qui heurtent mes genoux si fragiles. François s’interroge de me voir ainsi. Je tente de lui faire comprendre que ça me désole d’avoir un physique si limité. On se perd à nouveau longuement et doutons des choix à faire. J’avance malgré tout, sans angoisse, même s’il me semble que françois a peur que j’envoie tout valser. Ma persévérance et mon endurance nous mènent dans un village hors du temps nommé Gangi, après 1800 mètres d’une descente au pourcentage de folie -droit dans la pente-. J’ai alors repensé au grand raid de La Réunion, à cette dernière descente vers Saint Denis qui me paraîtrait aujourd’hui bien plus facile, même sous la pluie. Cette nuit là, j’appréhende notre prochaine journée qui s’annonce éprouvante: un col à 3600 m depuis le fond de vallée qui est à 2200 m, une longue traversée sur la fil de l’arête et surtout, une descente de 18 km vers le village de Sonprayag. Selon les locaux, le chemin est « easy », ce qui ne nous empêche pas de nous perdre à nouveau le lendemain matin. Restons zen. Depuis deux jours, nous mangeons peu, nous n’avons pas pris assez réserves. Pas de magasin à Gangi. Il faut absolument revenir sur nos pas pour trouver le bon chemin. Après maintes observations et tentatives, nous voilà sur la bonne voie. 30 km pour rejoindre notre destination du jour avec seulement 6 pommes de terre et 8 chapatis. Je sais que je peux tenir. Encore des larmes que je ne peux retenir à l’arrivée dans le village de Triyugi Narayan pour exprimer mon soulagement. J’ai faim. Mes genoux sont remplis de liquide synovial, je vais enfin pouvoir marcher sur de l’enrobé, le bonheur. Mon sourire revient aussi sec après une pause « chowmen » -nouilles sautées- et tchai -thé épicé au lait sucré- 

Après ces quatre jours d’autonomie, j’ai envie d’eau chaude pour me débarrasser de la poussière. Après trente minutes de recherches, nous trouvons un hôtel correspondant à mon souhait. Je vide trois fois le ballon d’eau chaude !!

Depuis, nous avons repris la route, vécu une merveilleuse journée à Kedarnath, l’un des hauts lieux de pèlerinage hindou, émerveillés par l’énergie dégagée par ce lieu, nous progressons vers la Nanda Devi.


–un Sadhu à Kedarnath, Marianne à l’arrière plan–

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  • eMmA MessanA dit :

    Merci pour ce reportage.
    Que de courage et d’efforts, je suis admirative devant vos exploits, mais aussi devant l’humilité dont vous faites preuve en avouant vos larmes.
    Vous vous fabriquez des souvenirs pour la vie, dans la ténacité, l’effort, la patience à votre capacité à vous émerveiller.
    J’aime vous suivre, vous me faites rêver.
    Un très grand bravo.
    Belle, très belle continuation à tous les deux.
    eMmA

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