À l’heure de retrouver ma femme après demain dans le village de Malla, au bord du Gange, pour la suite de ce périple qui nous mènera jusqu’à la frontière népalaise, je voudrais dresser un bilan de ces cinq semaines en solitaire. Mon premier sentiment est que voyager seul dans un environnement aussi sauvage et grandiose imposé l’humilité. L’altitude, l’orientation, la nature souvent difficile du terrain oblige à une constante vigilance. J’ai parfois serré un peu les fesses comme pour franchir le Borasu pass (5180m) dont la partie finale est un couloir de neige à 60-70 degrés. Je ne recommande pas forcément le planté de pointes de pied en basket avec ancrage sur bâton de trail, mais si la neige n’est pas trop dure, ça passe bien.


–au sommet de Borasu pass–

La descente du Bali pass (4960m) m’a aussi beaucoup sollicité. Par où fallait-il passer? Ni sentier ni carte, encore moins de balisage, un mot qui n’existe pas par ici. Il faut alors scruter les indices de passage, décrypter la logique du paysage, s’en remettre à l’instinct. Malgré ces difficultés, et parfois un isolement total, je ne me suis jamais fait peur. En revanche j’ai consommé des ressources dans les doutes, les réflexions, les appréhensions. Mais la récompense est au rendez vous: de se perdre et de se retrouver, de comprendre son erreur, de tâcher d’en tirer quelques leçons, de dérouler le fil peu à peu, d’avancer malgré les obstacles, permet d’engranger quelques « points mental ». Les décisions prises en solitaire -inconcevable pour un bon pilote de ligne- sont pourtant plus gratifiantes et sources d’apprentissage, si elles conduisent à la réussite. Un cours d’aventure en accéléré. On se sent plus en prise avec l’environnement, en fait on n’a pas d’autre choix que de trouver la solution (cela est un point commun avec le métier de pilote). 

–mon plus beau bivouac face au Swargarohini (6252m–

Le second point que je voudrais souligner est la nature de l’effort: si j’osais la comparaison avec un bon vieux Trail de 100 km, je dirais que celui-ci est un sprint et que moi, je « cours » le marathon. La difficulté est de tenir la distance. Mon compteur affiche aujourd’hui 900 kilomètres et 35000 mètres de dénivelés positifs. J’ai franchi 13 cols entre 4300 m et 5585 m (le Parang La).


–saute cailloux dans les moraines, un petit jeu dont on ne se lasse pas😂–

 Je vais à présent continuer avec la même allure, le même enthousiasme, la même soif de découvertes, épaulé par ma femme. Entre Malla et Darchula (frontière népalaise), nous cheminerons à des altitudes plus modestes, de crêtes en villages, à travers le Garwhal, au sud de la Nanda Devi, dans la Pindar Valley, puis la station de Munsoorie. Le climat est ici plus chaud, la végétation plus luxuriante. C’est presque les tropiques… L’aventure continue, mais une autre expérience débute. Je souhaite à tous la chance extraordinaire de pouvoir partager une telle aventure avec celle ou celui qu’on aime.

Participer à la discussion 3 Comments

  • René Nantua dit :

    Merci François de nous faire voyager dans cet environnement plus qu’extraordinaire! Bonne continuation avec votre épouse!

  • Lionel MEYER dit :

    Bonnes retrouvailles à vous 2 les amis !

  • jbs dit :

    Je suis émerveillé par ces photos. On a l’impression d’être immergé dans l’air pur et lumineux des cimes. La contemplation du Swargarohini, au lever du soleil après le bivouac a dû être un moment très fort. Merci aussi pour l’intéressant dossier sur les immigrés forçats de la route: impressionnant ! A quand la prochaine rubrique du blog, avec les avatars de la poursuite de l’aventure en couple?

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