Premiers pas, première rencontre

Mon humeur à Dharamsala…

À Dharamsala, j’ai tout foiré. Arrivé une heure après la fin des conférences du Dalai Lama. Le lendemain, « Tibetan democracy day », je me demande ce que cela peut signifier si ce n’est que le Tibetan museum était fermé ainsi que le Men-Tsee-Khang où je voulais consulter une astrologue tibétaine. Mauvais karma? À 11 heures le 2 septembre, j’ai le bourdon. Il pleut sur les portraits des tibétains immolés par le feu qui ornent le kora, le sentier qui longe le temple. Répression, torture, assassinat, brûlures, cendres. C’est l’anniversaire de ma fille Lou. Qu’est-ce que je fais là? Mon cerveau commence à tourner comme un moulin à prière. Il faut partir, fuire cette humeur morose et pénétrante. Premiers pas, premières sueurs au sein d’un paysage de granit bleu survolé par les vautours. Premier col à 4300 mètres orné des tridents de Shiva, dieu suprême qui vit au sommet du mont Kailash. Première rencontre avec Sanjay et Nisha dans le beau village de Kuarsi. « Come to my home » me dit Sanjay en 3 secondes tandis que je marque une pause au bord du chemin pavé. Sanjay est un homme pauvre, il a repéré l’homme blanc. « Combien ça coûte, me répète t il à chaque objet que je sors de mon sac. Fabriqué en France? Quel métier? Combien tu gagnes? » Je mens, je suis gêné. « Quand tu auras fini ton voyage, tu peux revenir ici me donner ta camera… » Je coupe court. « Tu as voulu m’inviter chez toi, et maintenant tu me demandes un cadeau. Ce n’est pas ce que je pensais, j’aurais pu passer mon chemin, aller dormir ailleurs. » À présent, c’est lui qui est gêné. Je le rassure et nous voilà bon amis. Je lui paierai le poulet du soir. Je joue au docteur. Sanjay a mal aux dents et un blanc a des médicaments. Je lui prescris du Doliprane et soigne le doigt coupé de Nisha qu’elle tente vainement de nettoyer avec ses mains sales. Leur fille Anshika, 7 ans, est une réincarnation de mouche. Elle ne tient pas en place. Elle touche à tout, elle m’exaspère. Ankita, 5 ans, me vrille les tripes. Les pieds-bots, les orbites vides, elle se traîne sur une natte de chanvre, comme un objet mouvant dont personne ne semble se soucier, poussant quelques gémissements, avant de disparaître sous une couverture pour le reste de l’après-midi. La cuisine se fait au feu de bois. Les hommes mangent, main droite, pendant que Nisha nous regarde. Après ma dernière bouchée elle se sert. Je passe aux toilettes à l’indienne, main gauche. On veut un monde plus vert, haro sur le PQ! Le lendemain, 6 heures, je pars à l’assaut d’un nouveau col à 4600 mètres en direction du Zanskar. 


Ankita sous sa couverture.

-Et quelques photos des premiers jours:


Adieu les plaines du Punjab!


En montée vers le lac Manimanesh.


Un berger Gaddi qui mène son troupeau vers le Kugti pass.


Le Kugti pass: 5040m


Les profondes vallées au petit matin.

Participer à la discussion 10 Comments

  • MARIE Calmette dit :

    Tu n’as pas tout foiré ton aventure intérieure commence et certainement plus importante que d’escalader des cols à 5000m et ce que te renvoie cette Première famille rencontrée est certainement plus important qu’une conférence du Dalaï Lama
    Bonne route et bravo pour ce que tu as entrepris tu as une famille formidable qui t’accompagne dans cette grande aventure personnelle

  • tissot sandrine dit :

    Je vous souhaite du courage et sans doute, si la sempiternelle question de savoir ce que vous faites là , revient, c’est parce que vous avez tous ce qu’il faut pour parvenir au bout : du coeur ; les vôtres sauront attendre ; ils ont cette force. J’aime beaucoup vos mots, comme une âme mise à nue, avec sincérité et délicatesse. Et votre corps en mouvement quand tout parfois est inerte, c’est un beau témoignage de vie !!!!
    Bien à vous !!!! S.

  • tissot sandrine dit :

    tout ..; faute d’ortho !!! Désolée !!!!! S.

  • jbs dit :

    Quelle merveille ces premières photos du voyage! En plus du réalisme du récit qui nous plonge dans l’ambiance des premiers contacts avec le pays et ses habitants! Par la pensée et le cœur, je t’accompagne pas à pas…

  • Les Bardois dit :

    C’est l’aventure, mon François, avec ses surprises, ses imprévus, ses rencontres, ses doutes, ses joies. Merci pour ces tranches de vie, qui nous interrogent sur nous-même, nos manières d’appréhender la vie. Merci de nous faire vivre ce voyage par l’entremise de tes captures des paysages, avec l’impression d’y être un peu sans y être.
    Courage @ toi, on te suit.

  • Leon GOUX dit :

    La première fois je suis aller au Népal inocemment pour randonner dans un cadre de montagnes certes hors normes mais c’était sans compter avec nos accompagnateurs guides et porteurs. Tu verras François on va la bas pour escalader les montagnes et on y revient pour les nepalais . En mars dernier c’était mon 4eme séjour ….Et j’y retournerai encore car maintenant j’ai des attaches indéfectible . Leon que tu ne connais pas séduit par ton engagement et la façon dont tu en parles.

  • cabriolait dit :

    Les photos de ces premiers pas vers le Zanskar sont si belles, elles évoquent l’immensité et j’imagine que tu dois te sentir un peu seul avec toi même !
    Je commence à mettre des images dans ma tête pour le mois prochain.Les tridents de Shiva me font demander si tu es en enfer? Oui ! Quand je vois le Kugti pass! Glaglagla, heureusement que je ne suis pas avec toi! Tu connais mon amour pour le froid. Malgré tout , je t’envie d’être dans ces paysages si grandioses.
    Tu a pris un départ anticipé parce que Dharamsala ne te retenait pas et c’est bien que tu ne sois pas resté sur tes principes. Le voyage c’est aussi cela , savoir se laisser aller et écouter son rythme intérieur.
    Tente de ne pas t’imposer trop de rigueur et de calcul.La route est encore très longue et l’expérience de Canton-Paris te fera trouver un juste tempo.Tu sembles plus sage.
    Nous t’embrassons fort tous les 4 et nous pensons à toi en route vers le Zanskar.

  • Lionel MEYER dit :

    Salut François. Cette aventure extraordinaire commence à peine et déjà, tes premiers mots et tes premières photos nous renvoient à notre quotidien besogneux et conformiste : bravo à toi d’être déjà si loin ! A très très vite pour des news.

  • jbs dit :

    Chaque jour nous suivons ton parcours sur les petites cartes du site LFF. On voit bien que tu progresses régulièrement, mais ça ne nous dit pas comment tu es physiquement et moralement après tant d’efforts, comment et où tu dors, qu’est-ce que tu trouves à manger, si tu as suffisamment progressé pour retrouver Marianne à l’endroit convenu. Nous serons heureux de te lire quand tu pourras ajouter quelques chose à ton blog. Mais, en attendant, nous sommes chaque jour avec toi par le cœur et la pensée.

  • Luco Marie dit :

    Francoiis
    Quelle volonté pour courir dans ces immensités ; là où la réflexion a élaboré 1 projet , projet qui a du sens pour notre culture …
    Marianne, vos retrouvailles imminentes dans 2 jours: Je vous souhaite de trouver la bonne vitesse de croisière !
    Des biz des Bauges
    Luco

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