Retour au bercail

Par 25 janvier 2011Polynésie

Bonjour à tous,

Nous sommes rentrés en France, rattrapés par les réalités financières. Avec un goût d’inachevé mais aussi le sentiment d’un privilège. Après tout, une année de voyage pour moi et 5 mois tous ensemble, ce n’est déjà pas si mal. On aurait voulu continuer, aller pédaler au Costa Rica, pourquoi pas ?, poursuivre le rêve de liberté ancré en chacun de nous. Mais le temps du travail est revenu.

Retour, donc, dans le tourbillon du marketing, de la pub, de la consommation et des paillettes. L’écran de fumée, au travers duquel on ne voit plus l’essentiel, nous saute aux yeux d’une manière éclatante. On veut nous faire avaler constamment que telle banque est vraiment formidable, beaucoup mieux que les autres, beaucoup plus proche de vous, que posséder telle voiture nous apportera le jouïr, etc. Les politiques aussi sont formidables. La France a complètement raté la révolution tunisienne mais il est si difficile de le reconnaître. Quant à l’opposition politique, je ne crois guère en ses capacités à faire différemment. Obsession des chiffres (dont tout le monde sait qu’ils sont préfabriqués), obsession de l’image, des sondages, expressions qui ne veulent rien dire mais qui choquent. Bref, on file un mauvais coton.

Quel drôle de monde nos enfants devront affronter. Les nôtres ont fait leur rentrée scolaire le 17 janvier ! Fini les cours du CNED et les cahiers de vacances pour Lou. Un petit soulagement pour les parents car ce n’est quand même pas évident d’être prof pour ses enfants.

Marianne a vite trouvé du boulot. Elle retravaille dès cette semaine dans un cabinet d’Annecy et une mutuelle à Ferney-Voltaire. Un tremplin provisoire pour remettre le pied à l’étrier et du beurre dans les épinards.

Je suis quant à moi encore en vacances. AF ne veut pas de moi avant juin. Je joue les prolongations du « temps lent », un temps pour la famille et aussi pour la phase 3 de l’expérience du voyage : le partage par le biais d’un récit et d’un film.

Reste de ces voyages le souvenir d’une année 2010 exceptionnelle. La Polynésie en famille, pendant 4 mois, c’était une immersion dans un autre rythme qui fait du bien. Un peu déconcertant de se lever avec le jour pour une longue journée sans avoir rien de particulier à faire, si ce n’est l’école. Jamais très loin de l’ennui, cette sensation nous apparaît après le retour plutôt comme une bénédiction qui a du sens. Le sens de passer des soirées à jouer en famille, de discuter à l’improviste en prenant le temps, de sympathiser avec des gens uniquement préoccupés par l’essentiel. En métropole, il n’est pas facile d’échapper au désir de remplir le temps avec mille activités. A Raivavae, on ne peut que le regarder couler. Quelle générosité des polynésiennes que l’on a rencontrées, Mihi et Haipuna notamment.

Ces îles polynésiennes exercent un magnétisme. Elles attirent, à l’image de Bruno, un écorché belge rencontré à Nuku Hiva, toute une foule de gens qui veulent y faire leur vie ou la refaire, loin du tourbillon. Rencontrés aussi de nombreux « voileux » ayant franchi Panama et qui trouvent dans les atolls inhabités des Tuamotu, leur paradis. Ils arrivent un jour en Polynésie et ne veulent plus en partir. Les marins du Tuhaa Pae II passent leur temps en mer, une vie rude très éloignée des clichés de l’exotisme.

Je suis content d’avoir mis à plat ce « rêve » de l’exotisme. La Polynésie en est le symbole. Même si je comprends tous ceux qui ont choisi d’en faire leur terre d’asile, pour rien au monde, je n’y vivrais. Malgré la marche du monde, de plus en plus révoltante, je n’ai aucune envie de m’en extraire pour vivre si loin de tout. Les polynésiens devraient y être chez eux, mais comme aux confins du Kazakhstan, leur culture est progressivement touchée par la mondialisation. Il y aurait beaucoup à dire sur la gestion, par l’état français, de ces territoires. Sous couvert d’autonomie, les dirigeants locaux sont devenus au fil du temps complètement asservi par la pompe à fric basée en métropole. La France, trop contente de tenir en laisse les revendications indépendantistes, à laisser faire les potentats locaux à leur guise, en les arrosant, ainsi que ses fonctionnaires, de sommes d’argents inconcevables. La Polynésie vit sous perfusion, totalement au-dessus de ses moyens. Pour le touriste, tout est hors de prix, avec un service qui n’est pas toujours à la hauteur. Heureusement, nous avons voyagé autrement et découvert, au-delà de l’indécence, la générosité et la gentillesse des gens normaux, en dehors des circuits touristiques.

Merci à tous ceux qui nous ont accueilli sans préséance et nous ont imbibé de leur valeurs.

Vive le voyage, vive les rencontres, les ruptures, les expériences nouvelles et nourrissantes.

A bientôt pour des nouvelles, peut-être un livre, un film, etc.

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  • Dieudonné dit :

    Welcome back home à toute la petite famille !

    Merci de nous avoir permis de vous accompagner un peu dans ce voyage qui peu paraitre un peu fou vu de notre quotidien, et qui pourtant vous permet d’y voir tellement clair à votre retour 🙂

    Ça me rappelle la sensation vécue au retour à terre, en ville après quelques jours en mer à bord d’un voilier : une sorte de remise en cause des repères auparavant tellement intégrés qu’ils n’étaient plus visibles.

    Enfin, si le goût vous reprend de lever l’ancre, bienvenue pour une escale du côté de Bordeaux 😉

    free hugs,
    Dieudonné

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