Mon grand « Oural » en trois points

_MG_4994Un cimetiere:

C’est une vaste foret de bouleaux au sommet de la colline. On y domine le village d’Afzian et sa charmante eglise de bois. Les sepultures sont de simples rectangles de terre, legerement sureleves, dont le sous-bois forme la pierre tombale. Pour identifier les defunts, des pyramides metalliques, peintes en bleu, ressemblant a des cages chargees de pieger les mauvais esprits et surmontees d’une etoile rouge ou de la croix orthodoxe. Une photo en noir et blanc, parfois colorisee, toujours emouvante, accompagne quantites de fleurs en papier qui donnent l’illusion d’une eternelle jeunesse. On s’assoie sur les bancs recouverts de lino, entre deux tombes, pour ecouter le bruit du vent dans les feuilles, ou l’on mange sur une table. Si les vivants aiment a y passer un peu de temps, il doit etre agreable d’y reposer pour toujours.

Que nos pierres tombales sont seches et nos allees numerotees si tristes. Voila donc un cimetiere ou l’on se sent bien, un lieu equilibre entre le recueillement et l’elevation, entre la vie et la mort; on en deviendrait presque croyant!

 


Le temps:

Saint-Exupery applique au monde moderne: « L’essentiel est intouchable dans la rapidite, on ne voit bien qu’avec le temps. » Mais le temps, on ne peut pas le posseder, mieux vaut peut-etre l’oublier. Voici donc ma strategie pour traverser l’Oural: Ne rythmer mes journees que par la faim, la soif, et le desir de rencontres ou de tranquilite. Oublier le calendrier, ne regarder que le soleil, genereux, dont la course me guide, et l’orientation de la route sur _MG_4955la carte. Ecouter le velo qui grince, sentir le coeur cogner et les mollets chauffer lorsque je peine a chaque montee. S’arreter n’importe ou, n’importe quand, a l’ombre d’un bouleau pour ecrire une idee. S’etendre parmi les epilobes de cet Oural, cousin de notre massif central, et ecouter l’eau de la riviere couler.

Pas besoin de venir jusque la pour eprouver de telles sensations me direz-vous. C’est vrai, mais chacun sait aussi que pris dans notre quotidien, nous en oublions bien souvent le temps de vivre.

 


La piste:

J’aime voir mourir les taons. Je ne sais pas s’ils se relaient ou s’ils sont, comme moi, des voyageurs, mais a chacun de mes arrets, tel un cheval mort, je suis harcele par la meme horde d’insectes. Les moucherons se ruent sur mes paupieres tandis que les taons attaquent les jambes ou les bras. Il faut les laisser s’accrocher et preparer leur tube perforateur. J’ai alors une demi-seconde, avant qu’ils ne me sucent le peu de jus qu’il me reste, pour leur faire la peau! Pendant ce temps, un engin beaucoup plus gros que les autres tournoie autour de moi comme engage dans une course de pylones.

Va savoir si l’expression « montagnes russes » a ete invente ici? Toujours est-il que le modele est exemplaire. Pour le cycliste cela se resume simplement: pousser le velo dans les montees et ruiner les freins a la descente. Des deux cotes, les cuisses tetanisent et le moral sombre. De_MG_5022s pentes insensees pour 80 km de galere dans la foret entre Kaga et Makanova. Le plus extraordinaire est que le piege des uns est le plaisir des autres: je croise ainsi un trio de cyclotouristes russes venus s’eclater les guiboles pendant leur vacances sur cette abominable piste. Stupefiant!

Photo N2: Zira, ma premiere rencontre Bachkire

Photo N3: une maison typique des villages de l’Oural

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  • Véronique Suchel dit :

    Heureuse de te retrouver,François. J’ai bien aimé ta stratégie anti taons, mais cela demande une sacré rapidité. J’ai souvent maudit ces bestioles lors de mes balades à vélo dans la forêt de pin autour du Porge. J’ai remarqué que le seul moyen de ne pas se faire piquer est de pédaler sana arrêt, et encore….. Pas très applicable en ce qui te concerne. Bon courage et à la prochaine!

  • Claire Suchel dit :

    ESt-ce que le vent s’arrête un jour au pays qui fait suite aux montagnes russes ? Je veux le croire pour la souplesse de ta peau et ton moral du voyageur ! Ton premier « point » de l’Oural : sympa, « un cimetière où on se sent bien », je partage ton sentiments pour les numéros et les dalles de marbre ! Les fleurs en papier me rappellent les fleurs en perles qu’on trouve chez nous dans de vieux cimetières et j’aime beaucoup la tradition des photos.
    Le temps qui passe : on a si souvent tant de choses à faire, peut-être pour oublier que le temps, « ça » vous file entre les doigts : intéressant de rappeler ainsi que le temps donne la mesure de ce que nous sommes, des passants. Quant à la piste et à ses taons, Aïe, je te plains : plus agressifs que les mouches qui squattent ici, notre espace vital … et tout autant inevitables. La solution est de fuir, alors, tu arriveras bien à les laisser derrière toi ! Courage toujours et à bientôt, je t’embrasse.

  • catherine de robert dit :

    hello François. je ne t’oublie pas.

  • Simonova Ekaterina dit :

    Salue from Kazan, François!
    Alliance française de Kazan http://afrus.ru/kazan/fr
    bon voyage!!!

  • pierre-claude dit :

    Salut !
    Je t’avais laissé au Kazakhstan en partant en vacances, et te voilà déjà à Moscou à mon retour ! Waouh… ça pédale, ça pédale pendant que d’autres se prélassent dans les transats !!! Bravo…
    J’ai lu hier dans le Dauphiné Libéré un article sur un type qui fait Savoie-Japon à vélo… il est en Russie en ce moment, ca serait extraordinaire que tu le croises !!! Il utilise lui un vélo solaire qui lui fournit une assistance électrique (les panneaux sont sur une remorque qu’il tire…), 120 km de moyenne par jour, d’apres ce qui est ecrit…
    Moscou : j’espere que tu iras jeter un oeil dans le métro, les stations sont parait-il, de véritables oeuvres d’art…
    Courage pour la suite, c’est pas dur : tu pédales, nous on suit !!! 😉
    PC

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