Une excellente route traverse la Bielorussie de part en part. En provenance de Moscou et jusqu’a Varsovie, ce sera mon poste d’observation sur la campagne. Mais grace a Dimitry, la chaleur de son accueil a Minsk, son excellent francais, et sa liberte de ton, je ne me contenterai pas d’observer la beaute des forets et les champs de lin. Je tenterai de colmater la breche, dans ma conscience du monde, qui fait de ce pays un trou noir sur mon itineraire.
Voila donc quelques petites choses que j’ai apprises: lorsqu’un homme a le choix entre l’anarchie et l’ordre, entre une jungle mafieuse et la loi de la dictature, il preferera toujours la seconde. C’est pourquoi, apres le chaos laisse par la chute de l’Union Sovietique, le peuple a accueilli Loukachenko avec soulagement. La moitie de la population le soutient encore malgre les humiliations et les injustices car chacun sait qu’apres l’autocrate viendra de nouveau le deluge. L’histoire de la Bielorussie est faite de toutes ces tempetes. Comment ne pas admirer l’eternelle renaissance d’un peuple dont le tiers fut massacre au passage de chacune des armees de ses puissants voisins: Pologne, Russie, Lituanie, Allemagne.
Dans la maison Europe, les bielorusses habitent dans le couloir; condamnes a se serrer contre les murs ou a se faire ecraser. Et comme tous les peuples en mal d’identite, ils sont fiers de leur patrie. Ainsi, Dimitry ne cesse de me vanter les merites de ses compatriotes. Je l’ecoute avec interet et ne peux que constater que l’austerite du climat politique n’a pas entame la chaleur des relations humaines.
Nous allons a la datcha. Ce sont de petites maisons d’ete, baties a la force des bras sur des terrains octroyes aux travailleurs du temps de l’URSS. Au milieu du jardin, chachliks avec la mama, son adorable mere, et les voisins, professeure de piano et ingenieur. Le lendemain, rebelote avec un ami, ancien pilote de chasse. Nombreux toasts a l’amitie franco-bielorusse. La vodka est bien meilleure qu’au Kazakhstan! A boire tres frais.
La nostalgie de l’URSS est tres marquee. Une epoque ou un bras vallait plus qu’un cerveau. Le temps des certitudes ou la vie avait un sens dans une societe beaucoup plus egalitaire. Quand tout le monde possede peu, on ne jalouse pas. Et quand on vit au paradis, pourquoi aller voir ailleurs? l’union sovietique etait deja un monde. Les repressions, deportations, executions? Le petit peuple ne les voyait pas. Gorbatchev n’est un heros qu’en occident.
Avec Dimitry, nous nous accordons sur un point: le socialisme pronait l’avenement d’un homme nouveau. Mais pour que ca marche, il eut fallu que cet homme-la existe prealablement au regime. Or la nature en a decide autrement. L’homme n’est pas un animal communiste et pour qu’il le devienne, l’animal politique l’a terrorise.
Pour memoire, selon les cours d’ecole de Dimitry, le socialisme c’est: « De chacun selon ses capacites a chacun selon son travail ». Chacun donne a la societe ce qu’il est capable de faire et recoit ce qu’il merite en fonction de son travail. C’etait le regime sovietique dans lequel un ouvrier gagnait plus qu’un intello.
Le communisme c’est: » De chacun selon ses possibilites a chacun selon ses besoins ». Je donne en fonction de ce que je peux et je recois selon mes besoins. Plus de salaire, plus d’argent. Sur le papier, que c’est beau. Maman, ca ne te rappelle pas quelque chose? Allez, a vos reflexions… C’est les vacances non?
photo1: dans un cafe en bord de route
photo2: le restaurant de l’aeroport Minsk 1
photo3: portrait pres d’un canal ou des enfants jouent
j`ai eu ta moitie au tel alors que j`etais chez ta marraine. Les infos se croisent.
Je te verrai peut-etre a Prague dans qq jours ou je suis avec ma tribu depuis hier, a gouter des gnoles de prune faites maison. Ca tape fort, comme ta vodka bielorusse.
meanwhile, keep on riding!
Merci à Dimitry pour ses cours d’école sur le socialisme et le communisme… Ni l’un, ni l’autre n’ouvre les portes du paradis où l’Homme nouveau sera enfin heureux!
Tu ramènes de tes rencontres des sujets de dissertations estivales à entamer entre amis, autour d’une bonne bière fraîche!
A propos des besoins, j’ai rencontré un certain Jean-Baptiste qui proposait , un programme politique sobre, solidaire et créatif en mettant en oeuvre notre discernement pour repérer ce qui nous est vital, nécessaire, essentiel et superflu.
L’essentiel étant ce dont chacun a vraiment besoin pour être lui-même, être « bien dans sa peau ».
J’aime que ton cyclopilotage invite à faire ce voyage à l’intérieur de soi pour y repérer les aspects de nos besoins essentiels.
Demain, départ en famille, l’Europe paraît petite à traverser quand on vient de Canton, mais ça fait quand même du chemin à avaler pour ton équipage! Courage et bonheur à tous. Bises.