Juillet torride au pays de Pouchkine. On a pas vu ca depuis 20 ans. Il parait que 20% de la recolte est deja perdue. » Mais que fait le gouvernement » tonnent les agriculteurs qui, comme toujours, sont les premiers a souffrir. Le sol craquelle, la terre est bonne a rien, les vegetaux vegetent. Et le cyclopilote degorge.
Pendant ce temps, les russes font trempette. S’ils appartiennent au Nord geographiquement, leur ame penche gravement vers le sud mediterraneen. Il n’y a qu’a voir avec quelle desinvolture, et quelle joie, ils se baignent dans n’importe quel cours d’eau, quelle qu’en soit la couleur, au milieu des sachets de chips et des bouteilles de biere. L’amoncellement des detritus sur les berges n’effraie personne. Ni les babouchkas qui, pour la plupart, ont nettement abuse des beignets de pomme de terre, ni cette frele silhouette diafane dont l’allure maladive tranche avec la bonhommie ambiante. Je ne la lache pas jusqu’a obtenir cette photo.
A Magnitogorsk, je me souviens du poste de secours de la plage, le rendez-vous des ivrognes. Je m’y etais fait
alpaguer par un colosse degoulinant de graisse et de vodka. Il voulait imperativement essayer ma
monture. Pas question! je risquais d’y laisser le cadre. Il me debita alors son lot d’insanite dans un franco-russe incomprehensible ou je n’ai pu que sauver les mots » maison, fille, anal, Michel, nique ». Pas besoin de sa gestuelle toute italienne pour comprendre ou peut mener l’abus d’alcool: a l’hopital ou aux putes!
Dans l’Oural, c’etait autre chose. Les russe aiment leur nature demesuree et ils campent volontiers
au bord des rivieres. A l’issue d’une sieste bienfaitrice, un homme de la cinquantaine, torse nu, une croix doree en medaillon pendue autour du cou, m’aborda, un plateau de legumes et de fruits a bout de bras. Nous echangeames sur nos destinees respectives avant qu’il ne s’en retourne a sa peche.
Puis vint la fin d’apres-midi du 25 juillet. Je cherche a rejoindre Safanovo ou, avant de planter la tente, j’espere trouv
er un repere de routier afin de prendre une douche. Suis-je encore a ce point embourgeoise qu’il me faille esperer cela plutot que la caresse bienfaisante de l’eau qui coule. La voila donc ma douche, en contrebas de la route. Un etang borde de roseaux. Quel bonheur de se laver apres 3 jours de sueurs. Quelle joie de plonger sa tete sous l’eau pour la rincer. Peu m’importe les berges sales et l’eau douteuse, les russe ne font pas tant de manieres. A chacun son lac d’Annecy.
Je suis maintenant a Smolensk pour une journee de repos puis viendra la Bielorussie. Le prochain bain dans la Berezina?
Je souhaite au cyclopilote pour sa « retraite de Russie » un passage de la Bérézina nouveau genre: glorieux plutôt que pitoyable, délectable grâce au plongeon dans l’eau vivifiante, plutôt que terrifiant au contact des flots glacés, joyeuse étape d’une course tonique vers Prague et Paris, plutôt qu’obstacle redoutable dans la marche forcée de la déroute (pauvres soldates de Napoléon!) Allez, bonne route et bon vent!