J’avais quitté les steppes kazakhes encore enfouies sous la neige, le 17 avril. Je les retrouverai dans quelques jours probablement couvertes de fleurs ou déjà brunies par le soleil.
Entre temps, une petite escapade dans notre vieux monde aura mis fin a une grande illusion: lorsqu’on arrête le temps en voyageant ainsi à bicyclette loin de tout ce que l’on connaît, trois mois peuvent paraître une éternité et la magie du voyage nous incite à penser que l’univers a forcément changer en notre absence. Erreur. La maladie que l’on croyait guérissable a en réalité empiré.
De nouveau en famille, nous débarquons en France le 18 avril en plein nuage de cendres volcaniques. Quelques jours auparavant, Marianne m’avait dit: « On rentre » après s’être morfondue seule avec les trois mômes sous le ciel gris d’Almaty dans l’attente de ma libération. Nous retrouvons notre vieille Europe malade: pas un jour sans conflit social, manifestation des agriculteurs à Paris, dette colossale de la Grêce dont les costumes trois pièces de Wall Street ont décidé qu’elle était dangereuse pour les investisseurs. Ils ont surtout décidé de se faire des couilles en or en spéculant sur les taux d’intérêt. Front syndical contre le recul de l’âge de la retraite,etc.
Chacun se bat avec ses armes. Celles du peuple de France sont certainement plus efficaces que la pelle et la pioche chinoise. Mais ici comme ailleurs, c’est le marché qui décide. Nicolas Sarkozy se rend en Chine: assaut d’amabilité, renouveau et bons gueuletons. Surtout ne pas parler des droits de l’Homme. Ce que les médias français considèrent comme une faiblesse, je le vois plutôt comme de la décence. L’hypocrisie n’est pas d’aller serrer la paluche de Hu Jintao sans lui faire la morale mais plutôt d’imaginer, en écrivant avec un stylo « made in China », assis dans son fauteuil parisien « made in China » que notre indépendance et la pureté de nos existences sont suffisantes pour imposer partout nos valeurs. En effet, l’Occident se bâffre dans la gamelle de l’arbitraire et de l’autoritarisme. Il consomme toujours plus, et pour cela, il a besoin de la Chine, de ses travailleurs mal payés et souvent exploités qui passeront leur vie à travailler avec une semaine de congés par an! Un pays où le droit syndical n’existe pas et qui est notre usine. La sueur des travailleurs chinois irrigue donc les fonds de pension. De l’archaïsme à l’obsénité, il n’y a qu’un pas.
Certains me trouveront bien en verve. Mais n’y voyez aucune aigreur ni même du cynisme. Un simple constat éclairé par les phares de mon vélo. Et il faut bien relancer le débat sur ce blog qui s’était assoupi.
Lundi 21 juin, je retourne donc au charbon. Ceux qui s’intéressent à l’itinéraire verront que j’ai modifié ma route. pourquoi un tel changement?
Si tous les chemins mènent à Rome, deux lignes aériennes relient Canton à Paris. Un trajet identique en Chine et en Europe occidentale mais qui diffère en Asie centrale et en Russie. J’avais initialement privilégié la steppe pour rejoindre le bassin de la Volga au Sud, sans franchir les monts Oural. Je préfère finalement rallier la taïga plus rapidement, passer les reliefs de l’Oural, retrouver la Volga à Kazan, capitale du Tatarstan, et filer vers Moscou. Et puis il y a Magnitogorsk! Peut-on rêver d’un nom plus dramatique pour une ville soviétique. Derrière une sonorité si évocatrice, l’enfer industriel?
Pour conclure cet article, voici ce que j’écrivais dans mon carnet de notes le 13 avril:
« La Chine est d’abord une nation paysanne. En pénétrant au Kazakhstan, rien n’est plus clair à mes yeux. La même géographie se partage la frontière mais la colonisation du territoire a cédé la place à une nature sauvage au sein de laquelle s’insèrent harmonieusement quelques villages. On sent parfaitement bien qu’au Xinjiang, les Hans sont venus par centaines de milliers imposer leur rythme à la terre. ici, les villages semblent avoir grandi avec les arbres, humblement blottis près des cours d’eau, en laissant à la steppe tous ses droits. Dès le premier regard, je suis séduit par ses dimensions démesurées et la pureté de l’espace. Aurai-je la chance d’en respirer l’infinité sur la selle de mon vélo? Pour l’heure, les retrouvailles familiales m’attendent avec un retour probable en France et une suite incertaine. »
La suite, c’est maintenant!
En photo: dans le bus pour rejoindre Marianne et les enfants le 13 avril 2010
Bonne chance et bon courage, François.
Bonne route François et à bientôt!
Allez maintenant en selle, c’est parti !
En route au « Fil du Vent », et bien sûr je te le souhaite le plus favorable possible, pour reprendre au quotidien ta vie de nomade à vélo parmi d’autres nomades : les KAZAKHS à la vie intense et rude. Rencontres qui seront riches et fécondes j’en suis certaine, en empruntant comme tu le fais les chemins authentiques propices pour accéder aux gens, dans une région où je suppose que les valeurs et les réalités apparaissent déjà plus importantes et tangibles que celles de nos pays nantis (on a d’ailleurs trop souvent tendance à occulter ces faits), où la course non pas à l’échalote mais à l’éphémère et au superflu sont devenus indispensables ! Cette immersion au KAZAKHSTAN va te permettre de t’imprégner de leur culture. Découverte d’immenses espaces de liberté que représente la steppe, à la rencontre d’une nature puissante, pure et forte, malgré la chaleur intense voire accablante qui doit régner.
Privilégie les rencontres par rapport aux impératifs de parcours et les distances à parcourir, même si tu as un facteur temps à respecter : le bus est aussi un moyen de rencontres.
Attention aux grandes rasades de Vodka . Toute bouteille entamée se doit d’être bue, et entre temps une nouvelle bouteille apparait comme par enchantement… – ça te coupe les jambes !!!
Je chemine à tes côtés par la pensée, et chaque soir j’ai rendez-vous avec ton blog. MERCI pour le rêve, te lire est un réel plaisir : lucidité et justesse de ton te caractérisent.
BON COURAGE .
En route pour de nouvelles aventures pour toi…et aussi pour nous qui suivons pas à pas ton périple !!! L’ordinateur va reprendre tout seul le chemin de « François Suchel, site officiel »…
Voilà tu es raparti et ma pensée va de nouveau t’accompagner tous les jours, le matin très tôt quand tu es encore sur la route.. ! Et puis le soir j’irai avec le même intérêt qu’avant consulter ton blog . Bonne route François !
Je vais sans doute paraître ignare, mais qui peut me dire ce qu’est un seringeti? Les dictionnaires ne connaissent pas plus ce mot que moi! Ma perplexité face à ce mot étrange ne m’empêche pas d’accompagner de tous mes voeux affectueux le cyclopilote pour ce 2e chalenge.
Coucou,
Nous revoilà!
Je suis vraiment désolée de donner la réponse au géographe sur le Serengeti.
Ce n’est pas le seringeti !Non le cyclopilote n’a pas encore aperçu de yeti, non plus En réalité, le Cyclopilote voulait parler de la similitude de paysage entre les steppes kazakhes et les plaines tanzaniennes où le parc national du Serengeti est situé.Voilà ,c’était juste ça.
Cabriolait.
Bon voyage François!
tu deviens Marxiste !!
Dear Francois,
Wish everything along your marvellous trip is smooth and exciting. The extrem high temperature in middle asia this time is really a challenge, but I believe you would handle it.
All the best wishes for you and your good family!
Janet
des jours, puis des semaines, enfin des mois que je me dit que je vais t’appeler…et puis voila, t’es repartis.retour donc a ce fabuleux blog. Assez drole de constater que l’on communique plus facilement qd on est tres éloigné, non ???
je suis sur que tu as regonflé tes batteries au milieux des tiens. Je suis impatient de te lire,
biz
claude
Vivement Karaganda pour de plus amples nouvelles et des photos… Pédaler face au vent brulant : bigre ! ça va te tanner le cuir,je rêve pour toi d’une oasis fraîche et verdoyante ? Ils ont l’air de te plaire ces kazaks et ça , ça me rassure. Premier juillet aujourd’hui, on pense fort à ta petite famille qu’on attend avec joie. Courage encore et encore pour la suite et chapeau pour avoir repris la route… Bises.
Je viens te « voir » presque tous les jours… Je rève par la même occasion et t’envie. Prends soin de toi et sois heureux. Nous avons vu ta petite famille et parlé de toi bien sûr. Nous t’embrassons.