Lever, 2h45. 4300 mètres d’altitude. Les pieds nus de notre voisin de chambre dépassent de sa couverture. Un tibétain.
Dans la maison du Lama de Chharka Bhot, un village aux allures de forteresse du haut Dolpo, nous grignotons quelques biscuits avant de nous mettre en route pour le Mustang. Comme d’habitude, les chiens ont aboyé une partie de la nuit comme des fous. Sur nous, toutes les couches dont nous disposons pour passer le reste de la nuit dehors. À la frontale, nous scrutons le sentier qui longe la Chharka khola comme des policiers en battue. Mais nous ne cherchons rien d’autre que de rester sur la trace poussiéreuse qui va de gauche à droite, de haut en bas, épousant les caprices du relief. Au premier ruisseau transversal que nous traversons, je glisse sur un caillou verglacé. Paf! Les deux pieds dans l’eau. Essorage de chaussettes suivi de petits mouvements d’orteils pendant les heures qui suivront pour ne pas geler. 6 heures, premieres lueurs du jour. Qui a parlé de réchauffement climatique? Il n’est jamais venu par ici c’est sûr, dans cette glacière où seul un yack n’a pas froid. Nous traversons la Nalhkhem khola avant de franchir un verrou qui nous propulse à plus de 5000 mètres.
–vallée d’altitude menant au Tibet–
Les pentes sud, léchées par le soleil naissant, nous attire comme un aimant. Nous allons y déjeuner, première pause, entourés d’herbes rases et de crêtes douces et austères à la fois. Là-bas, au bout de la vallée, pas si loin, c’est le Tibet. Une erreurd’aiguillage est si vite arrivée… Mais notre col, le Ghemi La, est sur la droite. 5694 mètres dont les deux cents derniers d’éboulis, de tourbillons de vent et de pas de fourmis. Enfin nous y voilà, le souffle court. Il est midi et devant nous s’étale une vallée plate qui mène au Mustang.
–Tout petit Nico, vu du Ghemi La. descente vers le Mustang–
Joie mêlée de crainte. Nous n’avons pas de tente et le village de Ghemi est à plus de 30 kilomètres. À la peine lors des derniers ressauts du col, Nico cavale à présent dans la descente, si l’on peut qualifier ainsi cet interminable et sublime cheminement entre lacs gelés et moraines. Nous sommes vraiment au bout du monde.
Je titube, en hypoglycémie. À la vue de l’eau qui coule, nous nous arrêtons pour chauffer un plat de nouille. Manger et surtout boire me fait du bien. Notre stratégie est simple: aller le plus loin possible, perdre de l’altitude, puis aviser vers 16h30 s’il peut être raisonnable de finir cette mission de nuit. Mais après 18 kilomètres et une poignée d’heures supplémentaires, l’altimètre indique encore 5000 mètres. Un escarpement rocheux enserre la rivière qu’il nous faut traverser. Nous ne trouvons pas de solution. Je suis lessivé. Le temps du bivouac est venu. Après 12 heures d’effort et 44 kilomètres, nous nous glissons dans nos duvets à l’abri du vent derrière un petit muret de pierre.
Le lendemain, il nous faudra encore 6 heures pour rejoindre Ghemi, rassasiés de pure lumière en échange de nos calories.
Nous craignons que vos pieds ne deviennent des sabots dans toute cette caillasse…
Nico n’hésite pas trop devant les vitrines pour choisir mon cadeau de Noël. (papa)
Allez bonne route pour cette dernière étape !
on vous embrasse
Catherine et François