Trois freres vivant l’ete dans une petite maison a 300m de la route, ou je me suis arrete a l’improviste pour dejeuner
Le 1er juillet, j’ai retrouve la ville apres 800 km de steppe. Je n’aurai eu qu’un mince apercu de l’immensite mais je l’aurai au moins effleure. Il faut une fois dans sa vie s’arracher les mollets pour prendre la mesure de la demesure. Dans nos contrees « civilisees », nous avons oublie qu’il est possible de parcourir 100 km avec la piste comme seul temoin de l’existence des hommes. Et il ne s’agit pas d’un desert ici, mais de douces collines tapissees de fleurs, parsemees de cours d’eau et peuplees d’innombrables oiseaux chantant a tue-tete leur joie de posseder un tel royaume. Leurs sifflements sont les seuls bruits a faire echo au vent.
Avant hier donc, fut une journee longue, difficile et riche. Beaucoup de fatigue, de chaleur, de vent de face. 126 km pour arriver extenue a Karaganda. En voici quelques evenements marquants:
A midi je m’arrete dejeuner a Botakara. Deja vane, je me demande bien comment je vais pouvoir poursuivre. La curiosite pousse le tenancier de l’auberge a venir avec 2 bieres s’asseoir a ma table. La conversation s’engage et assez rapidement lui et son equipe me citent des noms de personnalites francaises qu’ils connaissent. D’abord le foot qui sert de passeport universel dans tous les pays: Zidane, number one (il ne doit pas avoir la vie facile si meme au fin fond du Kazakhstan c’est le premier nom francais qui vient) puis Henry, Ribery, Anelka, Barthez.
Voyant que je prends des notes, ils se lachent pour me montrer ce qu’ils connaissent de la France. Cela donne dans l’ordre:
Pierre Richard, Jean-Paul Belmondo, Alain Delon, Jean-Yves Cousteau, Mireille Mathieu.
Puis, De Gaulle, Francois Mitterand, Patricia Kaas, Jeanne d’Arc, le Marquis de Sade, Guy de Maupassant, Honore de Balzac, Alexandre Dumas.
Mais encore: Napoleon, Robespierre, Marat, le Cardinal Richelieu, le Cardinal Mazarin, l’escadrille Normandie-Niemen, la Bastille.
Puisent-ils toutes ces trouvailles au fond de leur memoire d’ecolier? Ou dans leur culture personnelle acquise par des lectures?
Viennent alors: Coco Chanel, Christian Dior, le palais de l’Elysee, la dynastie des Bourbons, la Pompadour!!
Finalement ils en connaissent un rayon. Je ne pourrais pas en dire autant sur le Kazakhstan!
Je poursuis ma route non sans leur avoir donne l’accolade chaleureuse qui caracterise tous les adieux. Je rame ensuite plusieurs heures contre le vent pousse par la seule volonte d’aboutir. Juste avant d’arriver a Karaganda, la route enjambe une riviere. Baignades. Je stoppe pour piquer une tete. A peine ai-je mis le pied a terre que je suis assailli par une joyeuse troupe sovietico-kazakho-tatare, la cinquantaine bien tapee. Les filles, de jeunes babouchkas (grand-meres) bien enveloppees et emballees dans des pareos se collent a moi pour une photo de famille. L’heure est a la fete. Un petit ampli crache la musique d’un cle USB et l’on danse autour d’un nappe inondee de victuailles: shashliks, pasteques, tomates, concombres, nans, meringues, bonbons, gateaux, jus de toutes sortes, vin et bien entendu, Vodka. Sergei est alle refaire le plein a la station service a cote. Apres 100 km de velo, je refuse l’invitation a entamer, et finir (TchoutTchout, un tout petit peu, je commence a connaitre cette musique-la) la nouvelle bouteille. Je ne voudrais surtout pas finir comme Igor, qui ronfle, les pieds a 20 cm de son vomi, la bedaine debordant du maillot. Nous nous baignons et nous congratulons. Alec me vante la qualite de l’eau, terreuse, qui charrie quelques bouteilles en plastiques. Des detritus jonchent les berges tandis qu’en arriere plan, la centrale souffle une fumee noire. On est bien loin d’un decor de reve, mais celui-ci suffit a leur bonheur et au desir de le partager avec un inconnu de passage. Des geysers pourraient cracher du sulfure que je ne voudrais etre ailleurs (si, dans les bras de ma femme). Leur spontaneite, leur simplicite et leur convivialite donnent au voyageur solitaire le sentiment d’etre a sa place. Sur ces terres apres vivraient donc des gens si doux?
L’arrivee dans la ville est interminable. Je cherche desesperement le centre ville, mais il semble reculer a mesure que je m’en approche. Finalement, je trouve un hotel tout bleu vers 19h. A la reception, Olga me fait perdre mon peu de russe. Grace a ses fabuleux atouts, un sourire a ceder tous ses biens et un decollete propre a donner le vertige a Maurice herzog, elle vous degelerait n’importe quel Moujik par -40 C. A l’etage, une autre slave tout aussi blonde du nom de Svetlana me prepare un the et des friandises toute a son bonheur d’accueillir un francais.
Et dire que la derniere fois que j’apercus Karaganda, vu du ciel, le sol etait totalement recouvert de neige. La temperature y a decidement bien grimpe depuis!
Troisieme photo: le 25 juin chez les Daribaiev a Madiniet, le jeune fils joueur de rideaux
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