Un irrépressible désir d’aventure
J’ai parcouru le monde sans le voir.
9 millions de kilomètres, 11000 heures de vol, 15 mois de ma vie passés dans le ciel à survoler les terres balafrées par la cupidité et la misère. J’ai aussi admiré des paysages grandioses, toujours vissé dans le confort cotonneux de mon cockpit, bien à l’abri des réalités qui défilaient sous mes pieds. Et lorsque je touchais le sol de New York à Pékin, de Rio à Bombay, c’était pour m’enfouir dans une autre bulle protectrice, un hôtel luxueux et sans rapport avec la vie locale.
Pilote de ligne. Comment donner du sens à cette vie de passage, comment réconcilier la quantité et la qualité, gommer les décalages, éprouver les distances, renouer avec le temps de la rencontre et de la connaissance ?
C’est avec toutes ces questions au fond des sacoches que je m’envolais le 8 janvier 2010 vers Canton. J’avais la ferme intention d’en revenir à bicyclette en suivant la ligne aérienne que j’avais empruntée pour m’y rendre. Je voulais retrouver l’espace, le sentir dans mes mollets, le peupler de chairs, d’odeurs et de bruits, de langages inintelligibles, de signes abstraits, de poésie. Je voulais savoir ce qu’il en coûte de parcourir 10000 kilomètres quand on n’a que de l’eau dans les bidons et pour seul moteur, la mécanique du corps.
Adolescent j’avais rêvé de m’envoler. Adulte, il me faudrait redescendre bien avant que la retraite, ce couperet du pilote qui nous coupe les ailes ne m’y oblige.
La carte du voyage
Et quelques chiffres
– 8 mois de voyage de janvier à septembre 2010.
– 10 pays traversés : Chine, Kazakhstan, Russie, Biélorussie, Pologne, République Tchèque, Allemagne, Luxembourg, Belgique, France.
– 10 000 km, dont 1000 km en famille de Prague à Paris (avec 3 enfants de 7, 10 et 11 ans plus mon neveu de 15 ans).
– Entre 100 et 130 km par jour. 50 km par jour en famille.
– Altitude la plus haute : 3800 m sur le plateau tibétain.
– La plus longue descente : 120 km de Labrang à Linxia.
– La plus longue journée : 175 km en Mongolie Intérieure.
– La plus grosse galère : 12 jours de détention en résidence surveillée à Emin, Xinjiang (Chine).
– Températures de -20°C (plateau tibétain en février) à +40°C (Canicule en Russie en juillet).
– 2 crevaisons.
– 1 dérailleur et 1 sacoche cassés.
Le matériel
– 1 duvet de montagne -20°C
– 1 guide LP de mandarin
– 1 pochette documents officiels et papiers explicatifs du voyage traduits en mandarin
– 1 trousse matériel photo/vidéo avec 10 cartes mémoires 4Go, 1 DD de sauvegarde 500 Go, 1 batterie rechange photo et vidéo, 1 chargeur batterie photo et vidéo, kit de nettoyage
– 1 carnet de notes
– 3 livres : « Une vie à coucher dehors » de Sylvain Tesson, « Oasis interdites » d’Ella Maillart, « Voir la Chine du haut de son cheval » d’Eric meyer
– 1 bras articulé Manfrotto prises de vue vidéo
– 1 caméra vidéo SONY HDV A1, 1 optique grand angle
– 25 cassettes mini DV SONY (envoyées et renouvelées au fur et à mesure)
– 1 pochette avec cartes topographiques russes téléchargées sur Internet
– 1 couverture survie
– 1 trousse médicale
– 1 trousse réparation vélo (chambre à air, rayons, dérive chaîne, lubrificateur, etc.)
– 1 trousse de toilette
– 1 trousse avec 3 boites à musiques (« Le temps des cerises », « Sur le pont d’Avignon » et « L’hymne à l’amour ») et petits objets cadeaux (maquette d’avion, cycliste et pilote playmobil)
– 1 bâche à eau (10l)
– vêtements (1 pantalon vélo, 1 pantalon étape, 1 short, 2 T-shirts techniques, 1 carline épaisse, 1 polaire, 1 veste montagne, 2 caleçons, 2 paires de chaussettes, gants et sur moufles montagne)
– 1 appareil photo Canon EOS 5D Mark II, 1 objectif 50mm F2.0
– 1 matelas autogonflant
– 1 Sur Sac duvet
– 1 popote cuisine, réchaud à essence
Le voyage au quotidien
D’abord vivre le voyage : la mécanique du corps et celle de l’esprit, les rencontres, l’inattendu, tous les sentiments exacerbés. Ensuite le partager grâce à des activités presque quotidiennes : photographier, filmer, écrire et alimenter un blog.
Sur le plateau tibétain, dans l’Amdo
Rencontre canine au Kazakhstan
Prise de notes quotidiennes sur trois carnets successifs ainsi que sur mes cartes (topographiques russes téléchargées sur Internet ou chinoises, achetées localement).
Et après…
À l’arrivée à Roissy CDG, devant la cité des navigants d’Air France, le 2 septembre 2010, a commencé une autre aventure : le partage. L’écriture d’un livre (qui me prendra plusieurs mois), la réalisation d’un film (deux ans et demi de travail) ainsi que l’organisation de diverses manifestations.
Exposition de photographies à la galerie Test du Bailler à Vienne
Exposition de photographies à la galerie 361 à Annecy
Installation d’une yourte (projection du film et exposition) au forum de la cité des navigants d’Air France en juin 2014. Le film sera également diffusé à bord des avions d’Air France durant l’été 2014.
Accueil à la cité des navigants d’Air France de Janet Tan, ma bonne fée chinoise (dont je parle beaucoup dans le livre), Jason Miao (contrôleur aérien à l’aéroport de Canton) et mon ami Eric Boudot, sa femme Li Fang et leur fille Violette (qui m’ont accueilli et aidé à Kaili).
À droite, mon amie Corine Pouzenc qui a organisé les manifestations au sein d’AF
Un dessin de Superdeflo, un lecteur attentif et inspiré du livre
L’aventure continue encore aujourd’hui avec des projections/rencontres régulières à la demande de festivals ou d’associations de voyageurs.